29 avril 2024
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Pourquoi se blesse-t-on aux doigts ?

L’hiver se termine et comme à chaque fois, on croise à la salle ceux qui se blessent mais surtout se re-blessent aux doigts. On dit souvent “je me suis fait une poulie”. Mais est-ce vraiment “une poulie “ ? Les grimpeurs, particulièrement les jeunes, me sollicitent souvent à ce sujet : “J’ai mal là au doigt, c’est quoi tu crois ?”.
blessure doigt escalade Evidemment, je ne suis pas qualifié pour répondre. Ce n’est pas mon métier. Il faut consulter un médecin qui généralement prescrira une échographie pour établir un diagnostic précis. Par contre, je pense avoir assez d’expérience, par mes connaissances, par l’observation des grimpeurs et la gestion de mes propres doigts (qui n’a pas toujours été exemplaire !) pour expliquer les différentes causes pouvant aboutir à la blessure au doigt.

La blessure au doigt n’est pas une fatalité. Elle est rarement due à un unique mouvement très traumatisant. Elle apparait généralement suite à une accumulation de sollicitations, trop fortes, trop fréquentes, dans une organisation inadaptée de sa pratique. Et il n’est pas toujours simple d’avoir le recul nécessaire pour comprendre ce qu’il faut modifier.


Echauffement, hygiène de vie et prévention

Se blesser car on ne s’échauffe pas assez, c’est impardonnable ! Si comme moi, tu détestes t’échauffer en salle de bloc, il te suffit de prendre 5 minutes pour réaliser un échauffement articulaire sans grimper. Ensuite tu fais des suspensions faciles, quelques tractions lentes, et il ne sera pas nécessaire de faire 30 blocs ennuyeux pour se sentir prêt à forcer efficacement.
L’hydratation, l’alimentation, et tout ce qui va avec l’hygiène de vie du sportif, sont là aussi des paramètres que l’on peut maîtriser sans avoir une recul pointu sur sa façon de pratiquer l’escalade. Quoi que pour le poids, cela n’est pas si simple pour tout le monde malheureusement. Et dieu sait qu’on se fait beaucoup moins mal aux doigts quand on perd du poids! Si cette perte de poids est justifiable évidemment.
On peut rajouter à tout ça le travail préventif des antagonistes et de la mobilité. C’est indispensable ! Toutes les infos sur ce sujet se trouve facilement sur le web.

S’acharner sur le même mouvement

Nous voilà à nouveau dans une situation simple que tout grimpeur moyennement expérimenté doit savoir appréhender.
Ce mouvement ou cette prise te fait mal, est inconfortable ? Tu laisses ton égo dans le sac à magnésie et tu passes à autre chose. Tout en le gardant en tête pour avancer sur le sujet, c’est à dire se préparer à réessayer plus tard. On en reparle indirectement plus bas.
Tu as essayé 20 fois ce mouvement et il ne passe pas ? Tu reviendras plus fort, préparé, et surtout pas blessé.

Trop grimper en arquée?

On arrive vers des causes plus complexes. Des causes qui demandent une meilleure connaissance de l’activité, de soi, et des principes d’entrainement.
“Tu arques trop !” Cette phrase très caricaturale ne veut pas dire grand-chose… Certains arquent constamment comme des macronistes et ne se blessent jamais. Et si je dois moins arquer, que dois-je faire à la place ? J’ai plutôt envie de dire “tu arques mal” pour commencer. Bien arquer, c’est bien répartir la force sur les 4 doigts longs bien placés. Personnellement, j’ai trop tendance à charger mes index, qui commencent à vraiment souffrir.
Pour moins arquer, il faut savoir utiliser d’autres préhensions. Des préhensions qu’on évite si on ne les maîtrise pas. Qui peuvent dans ce cas occasionner des blessures elles aussi. Ce sujet fera l’objet d’un article dans l’année. Ce futur article me trotte dans la tête depuis un moment et me tient à cœur. Arqué, semi-tendu, semi-arqué, tendu. Je vois de nombreuses confusions, de nombreuses erreurs sur le web. Les préhensions doivent s’apprendre avec méthode, pour d’énormes résultats sur les performances et la prévention des blessures aux doigts. Pour cela, la poutre sera ta meilleure amie, incroyablement moins traumatisante qu’une salle de bloc commerciale. Nous en reparlerons.

De plus, pour évoluer dans ses aptitudes à valoriser les prises différemment, il va falloir enrichir sa technique de grimpe et aussi travailler physiquement. Pour tenir les plats, il faudra renforcer ses poignets, ses épaules, ses dorsaux etc. Pour les trous, il faudra ménager ses lombricaux. Le tout dans un processus organisé avec des objectifs pour garder une motivation saine et patiente. On appelle ça de la préparation mentale… Alors, peut être effectivement que tu arques trop. Mais l’évolution vers plus de variété dans les préhensions que tu utilises va te demander du travail et de la méthode.

Une progression trop rapide

On peut se blesser aux doigts en étant un débutant. Un débutant très passionné et pressé qui grimpe trop sur les premiers mois de sa découverte de l’activité.

Mais on peut aussi se blesser “à cause” d’un super état de forme ! Cette situation est typique bien que je pense mal connue :
Je suis très fort, en quelques jours j’ai énormément progressé en force et je me régale à faire des séances dures. C’est tellement grisant de tenir des nouvelles prises ! Et là paf, la blessure. Les muscles tirent fort, mais les structures (tendons, ligaments, etc) n’ont pas eu le temps de se renforcer (cela prend plus de temps que pour les muscles), et/où sont sur-sollicitées par l’euphorie de cette nouvelle force.
Je crois que c’est la blessure la plus frustrante à vivre, et la plus compliquée à éviter. Une progression rapide est tellement grisante. Et pourtant il faut absolument tempérer son enthousiasme pour la consolider et la valider. J’en avais parlé dans cet article, même si le contexte est différent.

Souvent grimper fatigué

La classique des classiques. Je suis fatigué, mais je vais quand même faire cette séance de bloc puis finir sur le pan Gullich. Mon égo me tient dans sa main par la culpabilité et la frustration.
Je vois tellement de grimpeurs se comporter ainsi, accumuler les microtraumatismes pour finalement se blesser. Puis recommencer dans le même moule une fois rétabli… S’entrainer selon son état de forme est primordial. J’en avais déjà parlé dans cet article.

S’entrainer à l’échec

J’ai déjà parlé des méfaits de l’utilisation systématique de l’entrainement à l’échec dans cet article. Au-delà de l’accumulation de fatigue, c’est par exemple très traumatisant pour les poulies de laisser les doigts s’ouvrir en s’entrainant sur une poutre. A faire uniquement pour un test physique.

Ré-armer les prises

L’inverse, c’est à dire un effort concentrique sur les doigts, est également très traumatisant. C’est typiquement ce que l’on fait en arrivant en tri-doigt sur une prise, puis en la réarmant en arquée. Je vois beaucoup de gens faire ça sur les pans Gullich. Attention danger ! Même s’il faut savoir le faire quand on est au combat dans une voie ou un bloc “qui compte”. Pas à l’entrainement.

Une pratique pas assez variée et surtout avec trop d’intensité

Nous voilà, à mon avis, dans la cause la plus fréquente de blessure chez les grimpeurs réguliers. C’est néanmoins la cause la plus ancrée dans notre pratique, et la plus difficile à gommer car elle demande du recul, de la capacité à se remettre en question, et une connaissance des bases théoriques de l’entrainement. On ne pratique plus, on s’entraîne. Ce qui souvent implique de paradoxalement moins en faire, ou tout du moins de mettre beaucoup plus l’accent sur la récupération, et donc la prévention des blessures.
S’entrainer bien, ce n’est pas forcément s’entrainer dur et à l’échec tout le temps. Pas du tout même. Les séances dites faciles, à basse intensité, sont tout aussi importantes par exemple que les séances de force, de poutre, ou de rési dans les blocs.
On ne va pas se lancer ici dans une définition de l’intensité de l’effort. Comprenez juste que les séances de conti, de technique, de travail tactique (tactique=mental, soyons clair les choses vont évoluer à ce sujet) sont extrêmement importantes. D’une part, elles permettent de travailler d’autres facteurs primordiaux de la performance. D’autre part, elles permettent de développer la part oxydative (avant on disait aérobie) de la filière énergétique (on ne parle plus des 3 filières énergétiques, cette vision est fausse et dépassée, fuyez tout site web ou livre qui parles DES filières énergétiques).
Cela signifie :
– Faire des séances moins fatigantes pour se donner le temps de récupérer des séances dures précédentes.
– Développer ses capacités de récupération.
– S’occuper quand on culpabilise de ne pas “bourriner”. Beaucoup de lecteurs vont comprendre cette phrase, j’en suis certain !

Je suis convaincu, sans pouvoir le prouver, qu’un grimpeur qui fait 2 séances de force par semaine, se blessera plus qu’un grimpeur qui fait ses 2 mêmes séances de force, en y ajoutant une séance de conti facile sur un autre jour. Il progressera également plus vite. Vous pouvez me contredire.


Pour moins se blesser, il faut se préparer à pouvoir forcer. Puis forcer, aux moment choisis. Si vous êtes blessé, à un doigt ou ailleurs, de manière récurrente ou pas, j’espère que cet article vous aidera. J’ai passé du temps à l’écrire.
La blessure n’est pas due au hasard. Mais les facteurs de blessure sont souvent pluriels. Remettez-vous en question, analyser honnêtement votre façon de pratiquer l’escalade. Je sais bien que certains font n’importe quoi et ne se blessent jamais. Sont-ils ceux qui progressent le plus en fonction du temps qu’il consacre à grimper ou s’entraîner ? C’est rarement le cas.
Dernière chose : ne faîtes pas l’autruche quand une douleur apparait. Même si elle est faible.

Je vous laisse avec cette excellente vidéo sur le même thème.

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