29 mars 2024
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Le Kanamo, un presque 6000m facile du Spiti, Himalaya indien

Arrivés à Mudh après avoir traversé le Pin Parvati Pass, nous voici désormais dans la vallée du Spiti. En 3 ou 4 heures de bus nous atteignons Kaza, le centre administratif. Sale (malgré les initiatives locales de lutte contre le plastique), bruyante et plutôt touristique, cette mini ville est néanmoins attachante par l’énergie et le brassage ethnique qui la caractérisent. Ce n’est pas l’ambiance froide qui nous a accueillis à Mudh et que nous allons retrouver à Kibber.
Coupures de courant, internet très très lent, Je n’avais pas réalisé à quel point cette région est isolée. La seule route ouverte toute l’année passe par le Kinnaur. Enfin quand on dit ouverte… ne soyez pas à 24h prêt pour arriver à destination! La route de Manali serait elle aussi très mauvaise et ouverte seulement durant l’été jusqu’au début de l’automne.

Après avoir pris un taxi, nous arrivons à Kibber. L’ex « plus haut village habité du monde » (4270m) est un perchoir magnifique en rive gauche de la vallée. On y trouve peu de possibilités de logement ouvertes et il ne faut pas s’attendre à être accueillis les bras ouverts. C’est l’ambiance tibétaine avec les paysages qui vont avec, et ça a son charme. Nous sommes ici pour faire l’ascension du Kanamo, un presque 6000m facile au dessus du village. Nous n’avons plus le temps de traverser le Parang La vers le nord. Le Kanamo ne devrait nous prendre que 2 jours, ce qui nous laissera le temps de trainer au Kinnaur après ça. En passant par la Norling Homestay, nous réservons un guide avec une mule et un muletier/cuisinier pour le prix exorbitant de 10.000 roupies indiennes pour 2 jours et une nuit. D’une part nous sommes prêt à payer pour vivre une nouvelle aventure humaine et montagnarde. D’autre part nous n’avons pas acheté de kérosène pour le réchaud à Kaza, trop confiants après un début de voyage qui est passé comme sur des roulettes. On aurait du se méfier avec le fils des propriétaires du lodge, qui a organisé pour nous ces 2 journées. Pressant, insistant, changeant toutes les 10 minutes de version dans ses explications, sa fausse politesse est exaspérante.

Nous voilà partis pour une marche facile de 3h vers le camp de base. Le temps est couvert, ce qui est plutôt agréable car le soleil tape fort en juillet à cette altitude. Le guide doit avoir 65 ans environ, plutôt bedonnant. Avec son mauvais anglais il nous raconte sa vie de « grand himalayiste qui passe à la BBC et a pour meilleur ami un guide suisse ». Je ne peux pas vous donner son prénom car il ne nous l’a pas dit, ni n’a demandé les nôtres. D’ailleurs il n’a absolument rien demandé sur nos vies, pas la place dans la sienne. Tout ça on ne le réalisera que le lendemain. Nous sommes en vacances et on ne se prend pas la tête. Surtout qu’il prend le temps de nous parler des fleurs que nous rencontrons sur le chemin et nous montre des traces de leopard des neiges. Un beau et long coucher de soleil puis un repas hyper basique concluent une journée tranquille.

Après un petit déjeuner minimaliste et limite mangeable, nous partons à 4h15 du camp. Après un lever de soleil inoubliable, nous découvrons une immensité de montagnes vers le nord et le Changtang tibétain. L’ascension se jouent sur 2 pentes bien raide, la dernière étant la plus dure. Elle sort à 5970m environ sur l’arête, là où nous nous arrêterons au niveau d’un gros cairn. Ce type de pentes en gravier désagréable me rappellent le volcan Parinacota en Bolivie, en beaucoup plus court heureusement, et sans pénitents lorsque nous marchons sur la neige.
Le guide a eu du mal à suivre. Je l’ai attendu mais Kirsten est déchaînée devant. En arrivant, il dit tout content: « super on va être a 9:30 au camp! ». J’aurais du comprendre… Le sommet est juste là, à 100m à plat, sur une magnifique arête facile où les corniches sont évidentes (même si le jeune « guide » d’un groupe de quinze indiens rampant derrière fait une longue pour attendre ses clients sur l’une d’elles…). Photos, on mange, les nuages tournent, ça traîne, c’est beau. Il est bien le monsieur mais commence à avoir un peu froid étant donné qu’il n’a qu’une veste pas très chaude. Je commence à mettre les crampons pour que nous partions vers le sommet. En chaussures souples nous serons plus sereins, car même si l’arête est facile, dessous ça penche. Il me dit que les crampons ne sont pas adaptés aux conditions et j’obéis bêtement (il ne connait certainement pas les anti-bottes). On marche 10 ou 20 mètres, un nuage passe et là il décide qu’il faut faire demi-tour. Une petite lumière s’allume dans ma tête « il me prend pour un con » mais je ne veux pas être arrogant et j’obtempère docilement, pour ne pas dire bêtement. La « cool attitude » des vacances quoi!

Nous décidons rapidement, très rapidement même sur ce terrain raide facile (sauf quand on a de la neige jusqu’aux genoux). Et là comme souvent le ciel s’ouvre et la grosse meringue toute blanche du sommet se dégage complètement. Là on a les boules, on réalise combien nous avons été naïfs. Cet escroc feignant a tout fait pour perdre du temps, pour attendre le nuage et l’utiliser comme prétexte au renoncement. Quand on commence à lui faire remarquer que nous sommes frustrés, il ne nous écoute pas et discute à la radio avec son pote qui l’attend au camp (très pro le guide indien, il a une radio), tout en conservant son sourire narquois.
Finalement c’est comme avec tous ces abrutis qui te collent au cul sur la route ou qui ont la flemme de mettre leurs clignotants dans les ronds points. Laisser faire est la réaction la plus intelligente. Mais c’est pas ce que dit notre cerveau limbique pourtant… Alors on est pas à 10 mètres prêt, nous avons eu un superbe point de vue depuis l’antécime. Nous avons juste été trop confiants et gentils. Mais la confiance et la gentillesse sont des qualités alors ça va. Même si le souvenir reste bon, cette expérience me conforte dans mon choix de ne plus travailler dans le secteur du tourisme. Je connais trop de collègues aigris qui ne font plus que leur métier pour l’argent sans aucune passion, c’est malsain et triste.

Allez, le clou du spectacle maintenant. Nous arrivons au lodge, le guide sentant le vent tourner disparaît dans la cuisine sans dire ni au revoir ni merci. Puis il envoie le « fils » pour récolter le pourboire, enfin tenter de! Ce « fils » nous redescendra le jour même à Kaza pour un tarif raisonnable (encore heureux). Il est temps pour nous de changer d’air. Direction Tabo puis le Kinnaur avant Delhi.

Alors comment s’organiser pour « faire » le Kanamo?

Acclimaté, le Kanamo se fait sans problèmes en une longue journée de marche depuis Kibber, moyennant 1800m de dénivelé. On doit arriver bien épuisé en bas mais le terrain est très facile à marcher on trouve de l’eau avant le col à plusieurs endroits. Notez qu’il est agréable de se promener au dessus du village pour s’acclimater en douceur avant de tenter le sommet.
Pour infos, nous avons atteint l’antécime en 4h depuis le camp. L’aller-retour nous a pris 7h, en 1h15 ensuite nous étions au village. Et donc le premier jour 3 heures on été nécessaires pour atteindre le camp, mais en traînant.

Nous étions sensés, parait-il, payer 500 roupies chacun pour l’ascension du Kanamo à l’administration du village. Le « fils » s’est aperçu qu’il avait oublié de prévenir la personne en charge en nous descendant à Kaza. Ce fut le drame pour lui! Cette argent irait à la protection de l’environnement.
Pour conclure, le Kanamo serait désormais interdit suite à une pollution de la source du village par un groupe de trekkeurs. Franchement, personne ne va te suivre si tu pars à 4 heures du matin du village avec ta petite frontale…

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