24 mai 2025
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Quatre jours avec un escaladeur de youtube?

Non non, ce n’est pas un titre provocateur. C’est réellement “l’aventure” que nous avons vécu Jocelyn (le youtuber) et moi-même !
Le développement de l’escalade a été fulgurant sur les cinq dernières années. Les jeux olympiques (sans majuscules, car je ne parle pas de la Marque…) de Paris en 2024 m’ont vraiment ouvert les yeux sur le concept de sport-spectacle, d’opium du peuple, et ses dérives (je n’en écrirai pas plus à ce sujet). Et je me demande bien ce que l’escalade y fait… si ce n’est pour y vendre/perdre son âme?
grimpisme fred vionnet entraineur escaladeMais plutôt que de rester à ronchonner, j’ai préféré tenter de prendre du recul. Pour me trouver de nouveaux repères et une ligne de conduite. Surtout que je vis de l’escalade depuis plus de 20 ans et que j’étais durant cette période en train de travailler sur l’ouverture de ma salle d’entraînement (L’Arquée Libre).

Pour comprendre, je suis allé observer ce qui c’était passé dans le monde du fitness/préparation physique. Via Youtube justement, les divers podcast, et LinkedIn. De nombreux coachs francophones expérimentés parlent sans filtres. Et j’ai peu échanger avec le très accessible Rudy Coia. Que je remercie car il m’a beaucoup aidé à y voir plus clair, en m’évitant de conserver certaines espoirs inutiles et inévitablement frustrants. Il faut dire que j’ai été traumatisé de voir que certains nouveaux coachs escalade faisaient par exemple le black friday, ou des promos pour Noël ! Bref j’étais perdu et la pente de l’aigreur se raidissaient dangereusement !
Observer le monde de la préparation physique a été pour moi vraiment comme lire dans une boule de cristal. Même si tout arrive plus tôt que ce que je ne pensais. Mais bref, je suis prêt, je crois.


GRIMPE OU ESCALADE?

Effectivement, l’escalade se coupe en deux. Comme cela était annoncé depuis longtemps.
On a d’un côté les grimpeurs, comme moi. On fait du plastique pour s’entraîner mais le vrai intérêt est de se préparer pour faire des croix sur le rocher, de passer du temps dans la nature pour sa beauté et son exigence. Les compétitions, ok, mais quel intérêt si on n’y voit pas les forts grimpeurs ? Il faut gagner pour la fierté et/ou un drapeau ?
De l’autre côté, ceux que j’appelle les escaladeurs. Des bêtes très étranges pour moi. Ils se rassemblent dans des salles avec des animations bruyantes, une fréquentation étouffante, et des blocs qui ressemblent à des sauts entre pares-brises de voitures sur le parking d’un supermarché.

Ces descriptions ne sont pas si caricaturales (?) et aboutissent inévitablement à des incompréhensions car on ne pratique pas le même sport (pour moi l’escalade est un loisir et la grimpe un mode vie, c’est cliché mais j’assume).

Les grimpeurs à propos des escaladeurs quand il va dans une salle d’escalade en ville :
– Pourquoi il grimpe avec sa casquette ?
– Pourquoi il va à la salle alors qu’il y a un contest et donc encore plus de monde et de bruit que d’habitude ?
– Pourquoi il s’acharne sur ce passage en traversée que l’utilisation de chaussures de sport classiques ne rendrait pas plus difficile ?

L’escaladeur à propos du grimpeur, quand il sort de la salle et s’aventure en extérieur :
– Pourquoi il grimpe sans longe et sans casque ?
– Pourquoi il fait la gueule quand on arrive à 12 personnes avec 2 chiens, une slackline et une enceinte?
– Pourquoi il ne rajoute pas un spit pour éviter la chute au sol possible entre le 2eme et 3eme point ?
– Pourquoi il déteste les trais de magnésie sur les prises ?
– Quel intérêt il trouve dans cette voie hyper bloc et pas homogène ? Faudrait pas tailler une prise là?

On peut également se référer à la blague qui tourne sur les réseaux sociaux à propos des falaisistes. Ils « ne se douchent pas et sentent mauvais ». C’est du mauvais humour, néanmoins révélateur du fossé entre les deux mondes. Les gens bien et modernes d’un côté, les bouseux de l’autre.
Nos blagues sur les escaladeurs restent en off, elles sont vraiment plus tranchantes….

On en arrive à un point où les deux pratiques peuvent être totalement indépendantes. C’est quasiment le cas. Et donc les pratiquant eux non plus ne se comprennent pas. Ce qui rend compliqué le respect et le partage.
Un escaladeur qui met la musique en falaise, ça nous met la rage. Un grimpeur qui sort son sac à magnésie en salle se fait reprendre. Et en plus s’il sort son sandwich ou tombe le tshirt, alors là on le fout dehors !
Deux milieux, pour deux pratiques, des motivations différentes et des comportements souvent incompatibles à la base. Et pourtant nous sommes inévitablement amenés à nous côtoyer, dans un « camp » ou dans l’autre.


DES COACHS PAR MILLIERS

L’arrivée de nombreux nouveaux coachs ne me surprend pas, car, comme je l’avais écrit plus haut, je m’étais préparé. Ce qui m’étonne, c’est la rapidité de cette vague. Le développement économique et médiatique de l’activité aiguise les appétits.
Avec cet argument hypocrite, utilisé dans tellement de domaines de notre société, du “vouloir rendre accessible l’entrainement en escalade au plus grand nombre”. Je ne vois pas l’intérêt supérieur de l’escalade par rapport à une autre activité sportive. Ce qui compte, c’est que les gens bougent, fassent de l’activité physique. C’est l’argument typique utilisé pour justifier la recherche de la maximisation des profits à tout prix. D’où les soldes et promos dont je parlais en introduction.
Avec des coachs pas qualifiés (le mot coach n’est pas protégé), nouveaux dans le métier, et SURTOUT peu expérimentés en tant que grimpeur ou escaladeur ! Ca s’est dingue, vraiment. Tu as un compte Instagram ou une page Youtube qui tourne, et hop, tu vends des programmes ! A minima tu présentes sur Youtube des séances de force doigt qui mèneront à minimum 25% des « victimes » à se blesser dans le court terme… affligeant parfois ce que certains sont prêts à faire pour de l’argent! Et donc cela reproduit ce que se passe encore dans le monde du fitness. Rien à y faire, il faut accepter, faire avec et s’adapter. Même si “un coach qui ne s’entraîne pas est un imposteur” …

Ce qui me chagrine plus, c’est la confusion très souvent faite entre entraînement et préparation physique. Le soi-disant coach peut être bon ou mauvais pour te faire progresser physiquement. Cela reste néanmoins de la préparation physique. Alors que l’entraînement, c’est du physique avec de la technique, dans du mental. Que cela soit en ligne ou en présentiel. J’y reviendrai dans un autre article.
Puis viendra, pardon vient, l’IA. Mais j’ai la confiance, ou la faiblesse, de croire que l’humain honnête et expérimenté sera toujours reconnu à sa juste valeur, par moment et par certains. Et j’ai mon petit réseau de collègues passionnés, aux profils différents, avec lesquels j’échange.

LA RENCONTRE

Ce constat fait, sous mon propre regard oldschool bien évidemment, revenons-en à mon cher escaladeur de youtube, Jocelyn de Pasdedoigtpasde7a.
On trouve désormais beaucoup de chaînes youtube produites par des escaladeurs. Avec Instagram, elles sont la vitrine et le témoin de cette nouvelle ère. J’interviens sur ces réseaux sociaux de manière minimaliste et timide (par rapport à ce qui se fait désormais). La plupart de ces chaines sont inintéressantes pour moi, certes je suis forcément exigeant sur les sujets abordés. Trop d’accent mis sur l’apparence, les mimiques. Du contenu annoncé, qui est effectivement du contenu mais du “contenu de divertissement”. Alors que pour moi contenu signifie partage de connaissances, d’expérience et de réflexion. Et parfois aussi malheureusement du contenu faux, dangereux, ou mensonger…
Mais comme expliqué plus haut, je ne veux pas rester en réaction par rapport à toutes ces nouveautés. Vu ma position professionnelle, cela n’aurait pas de sens. Comment faire ?

Comme souvent faire confiance aux hasards de la vie, les opportunités. Jocelyn m’a contacté pour me demander la permission d’utiliser l’un de mes articles pour cette vidéo consacrée aux blessures et douleurs aux doigts. J’ai regardé certaines de ces vidéos, on a échangé. J’ai vu (sur youtube), écouté (au téléphone), et lu (par email) sa démarche et j’ai apprécié l’humilité, l’envie d’apprendre et de comprendre, le processus de formation qu’il a suivi. Restant pour autant curieux et interloqué sur pourquoi un gars habitant dans le nord de la France, ne touchant quasiment jamais un bout de caillou, pouvait avoir le culot de se lancer dans une chaine consacrée à l’escalade ?
J’ai dû certainement l’intriguer également. Et cela doit perdurer, il faudrait lui demander !

Quoi qu’il en soit, il est venu quatre jours à la maison. Je l’ai emmené au chalet (pas d’images, vie vraiment privée), on est allé aux morilles, on a grimpé sur des falaises super oldschool (dont la Pierre à Laya, le pauvre, mais en moulinette), on a fait du feu, on a fait du pan à l’Arquée Libre, on s’est marré.
Volontairement, nous ne nous sommes pas mis la pression pour faire absolument une vidéo. Alors, sans se prendre la tête (il faut dire qu’il est fort pour se débrouiller avec pas grand chose), voilà la vidéo que nous avons produite naturellement. C’est très spontané, et ça se voit !

S’ADAPTER ET EXISTER

Et maintenant, quelle(s) suite(s), après cette vidéo, qui a déjà plus de 5500 vues au moment où je finalise cet article ?
C’est un peu tôt pour le dire précisément. Pourtant, même si je me destine à entraîner exclusivement les grimpeurs motivés par le rocher (et les compétiteurs si les motivations sont saines), je pense et NOUS pensons continuer dans cette voie. Car critiquer ce que font les autres c’est facile ! Mais se bouger pour tenter de faire des choses qui nous réalisent et nous correspondent, cela l’est moins.
Expliquer, prévenir, mettre en perspective les différentes pratiques est sans doute la meilleure façon de faire pour qu’elles se respectent lors de leurs interactions. Et si cela peut éviter de voir les spots sur-peuplés, sales, ou équipés avec un spit tous les mètres comme dans certains nouveaux secteurs (je pense à “Colorado” à Buoux particulièrement, quelle tristesse…), on aura avancé !

One thought on “Quatre jours avec un escaladeur de youtube?

  • Bel article comme toujours. Perso, j’ai arrêté de mettre des vidéos sur YouTube pendant pas mal de temps. J’étais fatigué de voir ces vidéos de divertissement. Et puis je me suis dit qu’il faut continuer à partager l’expérience et les petits tips (à mon échelle n’étant pas coach). Et pourtant, j’ai toujours cette petite voix intérieur qui me demande continuellement ces vidéos encouragent les grimpeurs à regarder des vidéos sur internet ou si ça les encouragent vraiment à aller grimper… Je n’ai pas la réponse 🙂

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