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DEFINIR L’AUTONOMIE EN FALAISE : être un VRAI grimpeur de 6a

stage escalade saint leger du ventouxQue ce soit via les propositions des professionnels de l’encadrement (voir cette recherche Google), ou via les 2 grandes fédérations qui se partagent la gestion de la grimpe et de l’escalade, le terme “autonomie” est central. C’est logiquement le premier objectif d’un pratiquant qui décide de s’impliquer dans l’activité. L’accès à la liberté de grimper quand et où il veut, en sécurité.
Etant donné que je ne suis actuellement quasi sollicité plus que pour de l’entraînement (cela me va très bien), j’ai progressivement délaissé cet axe de travail. Mais cela m’a joué des tours… avec des grimpeurs se pensant autonomes en falaise, qui ne le sont pas selon mes propres critères. Cela génère des changements de programme, des incompréhensions et même parfois des tensions. Sans parler de situations potentiellement dangereuses. Et oui, avant de penser à s’entraîner, il faut maîtriser un minimum l’activité. Avec une bonne évaluation initiale, selon des critères précis.
Je dois donc finaliser ce travail de définition précise de ce qu’est selon moi l’autonomie pour un grimpeur de falaise. Quelles sont les compétences et connaissances à maîtriser pour qu’un d’escaladeur devienne un grimpeur autonome de falaise ? Cela doit être plus clair pour les clients qui me sollicitent pour progresser. Et vous allez voir que je vois probablement les choses d’une manière un peu différente de ce qui est présenté habituellement… savoir grimper en tête et installer une moulinette n’est que le début. Il faut bien plus.

Voici donc un listing des compétences que j’estime indispensables pour un grimpeur autonome. Une longue liste!


CONNAITRE LE MILIEU NATUREL ET LE RESPECTER

A quelle(s) saison(s), horaire(s), température et ensoleillement la falaise est praticable.
Ne pas grimper de nuit.
Ne pas faire de feu quand c’est interdit, que cela salit la falaise ou abime les arbres alentours.
Respecter le parking, l’accès, le voisinage, les périodes d’interdiction.
Informer une institution, une association, quand on découvre un problème d’équipement ou d’instabilité du rocher.
Brosser les prises et ne pas mettre de tickets.
Ne pas monopoliser une voie ou un secteur. Ne pas encombrer le pied des voies.
Eviter le bruit excessif (dont la musique).

EN MATIERE DE SECURITE ET D’ASSURAGE

Sans détailler toutes les bases de l’assurage et de la grimpe en tête (dont les réchappes), voici une liste de points qu’il faut selon moi avoir totalement essayés, compris, assimilés.

EN ETANT ASSUREUR

Assurer un grimpeur en tête avec divers appareils d’assurage, sans jamais lâcher la corde de freinage (ce qui est loin d’être le cas, même avec des grimpeurs très expérimentés). Avec ou sans lunettes d’assurage.
Retenir des chutes en dynamisant, pour les chutes confortables.
Assurer efficacement les chutes délicates (proche du sol, mou dans la main, vire dans la voie, etc).

EN TANT QUE GRIMPEUR

Grimper SANS LONGE.
Ne jamais mettre la corde derrière la jambe.
Installer une moulinette avec le MINIMUM de MATERIEL (être plus intelligent que le délire sécuritaire des fédérations…). C’est à dire savoir installer une moulinette SANS AUCUN MATERIEL A PART LA CORDE ET SON BAUDRIER. Ca peut toujours servir, un jour.
Evaluer la fiabilité de l’équipement (un relais ou de tout autre matériel en place).
Gérer une chute délicate (latérale ou en déséquilibre, sur une dalle, etc).
Savoir chuter VOLONTAIREMENT de manière régulière, dans de nombreuses configurations, avec LES PIEDS 1 METRE AU DESSUS DU DERNIER POINT D’ASSURAGE.

DANS TOUTES LES CONFIGURATIONS

Evaluer en regardant une voie du bas ou sont les endroits délicats par rapport aux chutes.
Savoir ou stationner au pied de la falaise lors d’une pause.
Estimer quand le casque est très recommandé ou pas. Au pied de la falaise ou en grimpant. Pour rappel, le casque n’est pas obligatoire lors de la pratique de l’escalade.

MENTAL ET TACTIQUE

Lire globalement une voie et savoir utiliser un topo.
Grimper jusqu’à la chute souvent, même crispé.
Accepter les mauvaises journées et les essais ratés.
Gérer globalement ses émotions pour qu’elles ne s’expriment pas de manière violente ou déprimante.
Encourager et se soutenir en cordée/groupe. Avoir une pratique bienveillante.
Mémoriser globalement la méthode d’un passage que l’on ressent comme difficile. Pour pouvoir tenter d’enchaîner ensuite. Ou simplement pour le regrimper une autre fois.

NIVEAU TECHNIQUE

Pour moi, l’autonomie passe inévitablement par un niveau technique, une cotation.
Etre autonome en falaise demande d’être capable d’enchaîner un 6a en tête durant 8 séances sur 10, sur TOUS TYPES DE FALAISES, TYPES DE ROCHER (calcaire, granit, gneiss, conglomérat, grès) ET STYLES DE GRIMPE (à DIFFERENTES INCLINAISONS et CONFIGURATIONS).


Vous l’avez remarqué, je n’ai pas mis la sécurité et l’assurage en dernier paragraphe. J’ai choisi de mettre l’accent sur le niveau de performance pur, avec des caractères rouges. Evidemment la sécurité est primordiale, mais sans une cotation minimum, comment considérer qu’un grimpeur est autonome ? A mon avis, il faut prendre en considération ce niveau de performance. La raison en est simple. Quel pourcentage de falaise comprend une majorité de voies dans le 4 et le 5 ? Très peu de falaises. Comment se considérer comme autonome si on ne peut pratiquer que dans 20%, 30%, ou même 40% des falaises équipées ? Que les cotations soient à l’ancienne ou commerciales d’ailleurs.
L’autonomie ne se résume pas à des techniques de sécurité (voir cette page). Il s’agit d’un ensemble de connaissances mais aussi de COMPETENCES à acquérir pour pouvoir pratiquer sur beaucoup de spots et envisager de progresser, voir même de s’entraîner. Et toutes ces connaissances et compétences influent sur le SECURITE. Je vois trop de gens voulant progresser mais qui ne maitrisent pas ce socle. Cela ne fonctionne pas (frustration) et souvent ils se mettent en danger.

Atteindre cette autonomie demande du temps, de la patience et de l’investissement. Il faut se tromper, avoir chaud, froid, peur, galérer, essayer, réessayer, etc. Et cela n’est pas donné à tout le monde. Il ne suffit pas d’apprendre à assurer en salle, d’avoir fait quelques sorties en falaise pour se définir comme un grimpeur autonome. Cela aboutit à trop de frustrations et de situations délicates. J’en suis trop souvent le témoin. J’ai d’ailleurs rarement réussi à rendre un groupe autonome à 100% dans un club. Certaines personnes ne veulent ou ne peuvent pas atteindre cet objectif. Et ce n’est pas grave. Il faut juste en avoir conscience pour éviter trop de désillusions ou de fractures.
C’est la même chose pour l’autonomie en bloc. Il faudra d’ailleurs que je définisse aussi ce que cela veut dire d’être autonome pour la pratique du bloc en extérieur.

Une fois toutes les cases cochées, on peut penser à s’entrainer, c’est à dire commencer la préparation physique spécifique à l’escalade, associée à un entrainement technique et mental. Encore faut-il avoir un niveau physique minimal. C’est à dire ne pas être sédentaire. On en reparle bientôt !

6 thoughts on “DEFINIR L’AUTONOMIE EN FALAISE : être un VRAI grimpeur de 6a

  • Ben zut alors!
    Grimper sans Longe… Ben voilà 20 ans que je grimpe avec une longe…. Encore du 8a+ cette année avec… trop chiant de l’enlever… trop pratique en grande voie… trop bien quoi… Et sinon même après 200 voies équipées ou ouvertes je ne suis toujours pas foutu d’évaluer la solidité d’un point d’un truc que je n’ai pas équipé… la mise en œuvre des colles, leur vieillissement et l’oxydation sont inaccessibles au regard….
    Les 9/10 des grimpeurs de 8 ne remplissent pas ces critères… simplement parce que ça les énerve de rater, ça les frustrent etc… et quand tu vois hurler Ondra etc quand ils ratent….
    Bref je suis stupéfait par le niveau d’exigence! Mais 90% du truc est défendable.

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    • Merci Franck. 90% d’idées défendables, je trouve ça pas mal (sans ironie).
      Et oui pour la longe je la joue « provoc ». J’aurais pu écrire « savoir se débrouiller sans une longe ». Car je t’assure que quand on t’engage pour former des futurs encadrants de club, qui deviennent blancs quand tu leurs demandes de retirer leur longe…. Ca me fait réfléchir. Tout comme les pleurs entre les voies.
      J’adore le bénévolat, j’en ai encore d’ailleurs pas mal fait sur 2022/23. J’espère que j’en referai pour une bonne cause. Mais pas avec une énorme augmentation des risques… trop de gens se pensent autonomes et sont… dangereux. Et pourtant ils forment, que cela soit formel ou informel.
      Enfin c’est ma vision purement personnelle et contestable.

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  • Le « sans longe » m’a surpris, je trouve une longe assez pratique, mais quand je regarde mes vieilles photos d’escalade ou d’alpinisme, je me rappelle que nous n’avions pas de longe, nous faisions un relais avec la corde autour d’un rocher, ou un relais avec des sangles, etc, et la corde était reliée au relais avec un cabestan ou deux cabestans avec une corde double.
    L’escalade en salle c’est ludique et pratique, mais, ça n’a rien à voir avec être dehors. Il y a des points que vous n’évoquez pas dans votre réquisitoires :
    1. Il faut savoir faire un rappel si on a fait tomber son reverso. Soit un faisant un descendeur avec des mousquetons, un bicéphale ou avec un demi cabestan.
    2. Il vaut savoir remonter la corde si l’on a loupé le rappel.
    3. Il faut savoir faire au moins un Mouflage simple et un mariner si quelqu’un est coincé en dessous.
    4. Il faut connaître des noeud pour attacher les cordes de rappel, des cordes de différent diamètre, installer une main courante, etc.
    En tout cas vous faites bien d’évoquer ces questions, merci de votre apport et du partage. J’espère que ça fera réfléchir ceux qui ne connaissent rien en dehors du noeud de huit.

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    • Oui je suis resté sur la pratique de l’escalade sportive. Merci pour ton commentaire Alex.

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  • Peut-être vos lecteurs seraient -ils intéressés par le manuel d’alpinisme suivant consacré à l’autonomie? Il est gratuit, vous pouvez le télécharger en pdf sans avoir à fournir aucune coordonnée. Bonne lecture à tous :
    https://alpinismesansguide.blogspot.com/?m=1

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    • Salut Christophe, je suis plutôt suivi par des grimpeurs, mais sait on jamais. Merci!

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