19 avril 2024
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Avalanche à Bostan, témoignage

avalanche bostan

Hier, dimanche, nous étions parmi les nombreux témoins qui ont assisté à l’accident dans la combe de Bostan. L’avalanche a coûté la vie à une personne (voir cet article du Dauphiné Libéré, même si se référer à ce média donne peu de garanties malheureusement, d’ailleurs fuyez leur page Facebook, c’est Paris Match!). L’idée de ce post n’est pas de donner des leçons, mais de partager ce que nous sommes nombreux à avoir vu et compris (ou pas) depuis l’autre versant de la combe.

Météo France donnait un risque d’avalanche niveau 4, évoluant à 3 en cours de journée. C’est l’occasion pour nous d’aller skier la Tête de Bostan, puis de manger à la terrasse du refuge, presque une tradition. Les diots et la polente ça passe toujours très bien après 1300m de dénivelé. La Tête de Bostan est une course de ski de randonnée classique où l’on n’emprunte que quelques talus très courts dont la pente est supérieure à 30 degrés (voir cet article sur l’outil Geoportail des pentes).

En sortant de la forêt je remarque tout de suite une plaque partie sur plusieurs épaisseurs décalées, en rive gauche sous les Dent d’Oddaz, vers 1900m d’altitude. Après le refuge, la trace que nous suivons prend trop à gauche, contourne la Cathédrale pour passer par l’Avouille. Je bougonne car cet itinéraire rallonge la distance à parcourir et nous fait rejoindre trop tôt à mon goût le convoi de randonneurs arrivant par le col de la Golèse. Mais la neige est déjà lourde à tracer alors je choisis la facilité et on suit. Juste avant de tourner en ouest pour sortir à l’Avouille, nous voyons une puis deux personnes remonter une contre-pente en face de nous. Cette pente est de la même orientation que celle où la plaque est partie plus bas. Ces deux personnes coupent la base de la pente en oblique, cette pente semble à coup sûr chargées de neige apportées par le vent de SW qui a soufflé très fort depuis deux jours. D’en face (1.5km à vol d’oiseau environ), on voit nettement les accumulations. Je suis convaincu que la pente va partir.

En sortant à l’Avouille, 5 ou 10 minutes plus tard, un attroupement de skieurs regarde en face…, et appelle les secours car la pente est partie! L’avalanche a emporté les 2 skieurs, qui, nous l’apprendront plus tard, sont des raquetteurs. Je zoom avec mon appareil photo qui est relativement puissant, mais je ne vois que du blanc dans l’avalanche. Ils nous faudrait probablement 45 minutes pour descendre et remonter en face sur le lieu de l’accident. L’avalanche est partie à 11h35 environ, l’hélicoptère pose les premiers secouristes à 12h10.

Nous avons désormais une vue globale de la rive gauche de la combe, du Tuet aux Dents Blanches. Nous pouvons remarquer d’autres départs spontanés de plaques à vent, sous la Corne au Taureau, dans la même orientation que la pente où l’avalanche vient d’être déclenchée, à une altitude à peine supérieure (voir photos ci-dessus). Les raquetteurs venaient du col de Bostan j’imagine, et ils sont passés sous ces avalanches. C’est vraiment triste de na pas avoir su lire ces signes plutôt clairs de danger. Et puis en face la neige était lourde certes, nous n’étions pas seuls, mais on était bien au soleil, dans des pentes sûres… Je me suis demandé si nous aurions dû traverser et remonter en face pour tenter de secourir les personnes ensevelies. Sachant qu’aucunes d’entre elles ne portait de DVA, nous n’aurions rien pu faire de toute façon. Seuls les chiens d’avalanche peuvent faire quelque chose dans une telle configuration.

8 thoughts on “Avalanche à Bostan, témoignage

  • Ton article est bien meilleur que celui du Dauphiné Fred!
    Je suis également consterné en ce moment de voir le manque de culture spécifique et de connaissances de base de la part de ceux qui fréquentent la montagne.
    Le fait de sortir sans dva est révélateur. Et un BERA c’est quoi ça? Alors se rendre compte que des avalanches récentes sur les pentes d’exposition identiques à celles que l’on ski c’est un signe craignos, c’est même pas la peine…
    Même dans mon entourage de skieurs habitués je vois des choses qui m’interpellent vraiment, alors au niveau du touriste qui sort une semaine ou quelques weekends par an on ne peut pas s’attendre à mieux…
    Un jour ou deux de formation c’est pas du luxe! Sans devenir expert en nivologie cela permettrait au moins d’éviter les gros pièges.
    Malheureusement j’ai l’impression qu en France se former est pris comme un aveu de faiblesse et d’incompétence et que cela est réservé aux nuls et aux cafistes. Quel que soit notre niveau d’expertise on en a pourtant tous besoin!

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  • Merci pour le partage et la piqûre de rappel, une analyse complète et juste …pour avoir fait cette randonnée en vallée de Bostan il y a 15 jours en raquettes avec un risque avalanche moins marqué (2/5), les signaux d’alertes ne sont malheureusement que trop souvent négligés sous prétexte d’une météo clémente alors que la réalité du terrain et les contextes piégeux en sont tout autres, associés à un équipement de randonnée très limites au vu des conditions ( pas de DVA !!) les photos sont parlantes et devraient interpellées sur l’interprétation visuelle à avoir sur l’instant T ; j ‘ai remarqué aussi sur des expériences de randonnées antérieures, cet aspect de suivre d’anciennes traces qui peuvent induire en erreur pour avoir une progression plus facile ou plus rapide au détriment des zones potentiels de dangers.

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  • Bonjour. Je voudrais juste relever vos dernières phrases. Ca ne constitue pas une attaque, ce que je vais écrire ! Mais dire que de toute façon, vous n’auriez rien pu faire parce qu’ils ne portaient pas d’ARVA , vous ne pouviez pas le savoir. Bon, vous vous vous posez la question, je trouve ça honnête. 🙂
    Bonne journée !

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  • Salut,
    C’est toi qui avais ton monstre objectif! J’étais dans le groupe qui appelait les secours, la seule fille avec les sept mecs (just call me blanche-neige). Une monstre coïncidence qu’on se soit arrêtés là et qu’on les ait vus. Surtout que l’avalanche n’a fait aucun bruit.
    En effet, on n’aurait vraiment pas pu les atteindre avant les pros. J’étais là-bas dans la combe deux semaines auparavant, c’est vraiment loin. On aurait eu en tout cas 10 minutes pour descendre et une heure pour remonter de l’autre côté. Si long, c’est fouttu.
    C’était top que tu avais ton objectif. Mes potes ont pu encore mieux convaincre les secours que personne n’était ressorti de l’avalanche. Donc pense juste que t’étais là aussi au bon moment.
    Je n’arrête pas de penser à la dame. Je suis tellement triste pour elle. On a tous fait des conneries dans nos vies, plein d’entre elles auraient pu être fatales. Beaucoup de tristesse et c’est tout.

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  • Merci Fred pour cette description.
    Il y a eu beaucoup d’accidents graves et sans gravité ce dimanche 4, mais déjà la veille et aussi les jours d’après, tous entre même pas 1600 m et 2100 m d’altitude. La cause de l’instabilité n’était pas liée au vent mais à la présence d’une sous-couche sans cohésion persistante. Il serait donc plus juste de parler de « plaque » plutôt que de « plaque à vent ».

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