Asproman, Ailefroide

Mercredi 8 juillet 2020

Après deux beaux mois de reprise post-confinement et quelques centaines de mètres d’escalade à Céüse avec les copains je me décide enfin à aller mettre les doigts dans Asproman, à Ailefroide. Originaire d’Embrun dans les Hautes-Alpes, j’ai toujours adoré la vallée d’Ailefroide qui m’a offert un terrain de jeu parfait pour m’initier à la grande-voie quand j’avais 10 ans. A l’époque ma sœur et moi menions et mes parents suivaient, formant une seconde cordée !

Asproman me faisait envie depuis des années. Bien différentes des dalles lisses d’Ailefroide, celle-ci se trouve dans une gorge encaissée, proche de la descente du Pelvoux. Un petit coin de fraicheur en été, mais les névés mettent donc un moment à fondre au printemps ! Cette voie n’est donc accessible qu’en juillet et août. Malheureusement avec les saisons de compétitions, puis des douleurs aux doigts qui m’ont embêtées je n’avais jamais eu l’occasion d’essayer. Cette fois je me sens en forme physiquement et mentalement, je suis prête à me lancer dans un tel projet.

Romaric, mon copain, m’accompagne pour cette première journée. La semaine précédente, Eloi et Guillaume, deux amis, se sont perdus sur la marche d’approche et nous ont donc bien briefés. Comme il faut traverser un torrent à 3 reprises, avec la fonte des neiges il vaut mieux faire attention ! Tout se passe bien pour nous et à 10h nous attaquons la première longueur. Ce jour-là la stratégie est la suivante : Romaric essaie toutes les longueurs à vue et moi je suis en moulinette pour repérer les sections, m’habituer à l’ambiance gazeuse, au style de grimpe et prendre confiance. Nous reviendrons une deuxième journée pour que j’enchaine toutes les longueurs en tête, et cette fois Romaric suivra en second de cordée 😉

Asproman c’est une voie de 8 longueurs équipée en 2012, très soutenue dans le 7ème degré avec une longueur crux en 8a/+. Dans le topo, les ouvreurs, F. Roulx, B. Kempf et F. Elichabe, décrivent la voie comme « une voie exceptionnelle par sa difficulté, le dévers et l’ambiance sombre et humide de cette gorge terrifiante. La grande classe tellement ça fait tourner la tête ! ». Et bien ils ne mentent pas, l’ambiance là-bas n’a rien à voir avec celle bucolique du village, c’est un tout autre délire. Le léger dévers de 200 m en rive gauche dans du granite ocre et noir est magnifique et on s’habitue vite à l’atmosphère bruyante des gorges. Cette voie est vraiment exceptionnelle par la qualité du rocher (un granite parfait) et la richesse des mouvements (avec une grosse dominante d’arquées !). L’escalade est à le fois technique, physique et vraiment exigeante. L’équipement est béton et très rapproché, ça craint moins que la marche d’approche !

Pour cette première journée les longueurs me semblent dures et j’ai un doigt capricieux. Je ne m’en préoccupe pas, il y a des jours comme ça. Au fond de moi je sais que c’est faisable ! Romaric passe à deux doigts de l’enchainement à la journée. Nous sortons la corde et s’attaquons aux rappels en fils d’araignées ! Encore une belle galère ! Mais on a l’habitude, en grande-voie la journée n’est jamais finie tant qu’on n’est pas de retour à la voiture. 

Jeudi 30 juillet 2020

Me voilà de retour dans la voie avec toute une équipe. J’ai sollicité tous mes amis susceptibles de vouloir m’accompagner et voilà qu’ils décident de tous venir le même jour ! Nous étions donc ce jour-là 3 cordées : Louna et Thomas, Baptiste et Tristan et Guillaume et moi. Jan Novak était également là pour prendre des photos. C’était donc pratique d’être plusieurs cordées à la suite pour poser des cordes statiques, merci les garçons ! Mais ça change d’ambiance…

L5 – 7c+ © Jan Novak

Ce jour-ci je tente l’enchainement. La première longueur en 7c, donne le ton : une grimpe physique dans un mur plutôt raide, avec en main une bonne rampe qui finit par se boucher et des petits pieds sur lesquels il faut pousser fort ! A froid ça réveille !! Ensuite un 6b+ permet d’accéder à une grosse vire pour se préparer à la longueur clé : un 8a+ sur arquée. Coté 8a dans le topo, je trouve ça un peu serré par rapport au reste de la voie. Celle-ci est magnifique et le départ n’est pas trop difficile, mais impose une gestuelle complexe, jusqu’à la moitié de la longueur… Là ça change d’intensité pour une dizaine de mouvements sur petites arquées verticales, ça navigue et ce n’est pas facile à déchiffrer ! Ma grimpe favorite. Ce jour-là je n’étais d’ailleurs pas bien calée et je n’ai pas réussi à enchainer du premier coup. Pour ne pas retarder la logistique, je décide de bien caler cette longueur puis de continuer. Je finis le shooting photo puis passe en mode soutien pour mon partenaire de cordée Guigui qui parvient à flasher l’ensemble des longueurs !! Moi j’enchaine le reste, et j’ai déjà hâte de revenir pour l’intégrale !

Mercredi 5 aout 2020

Après quelques jours de trek en bivouac dans les Cerces avec une copine je suis ressourcée et c’est parti pour une troisième journée dans la voie ! Romaric m’accompagne et ce jour-là et tout se déroule à merveille. Le genre de journée où tout s’aligne et se passe exactement comme souhaité ! Le 7c d’échauffement ne m’entame même pas. Je monte mettre les paires et brosser le 8a+, puis mets un run. J’ai la sensation de flotter sur les prises. Mes mouvements sont fluides, je retrouve mes sensations de grimpeuse haut-alpine : je serre les croutes, charge les petits pieds et j’avance jusqu’au relais ! De là je souris à Romaric en bas et nous savons tous les deux que c’est jouable. Je viens de gagner beaucoup d’énergie pour la suite. En effet, j’avais prévu de mettre au maximum 3 runs dans cette longueur et de rentrer si jamais ça ne passait pas. Et bien je venais d’économiser 2 runs ! Non négligeable pour la suite ! Je hisse le sac en essayant de ne pas trop fatiguer mes petits biceps et me prépare mentalement pour la suite.

La 4ème longueur, en 7b+, est une traversée sur arquées franches exceptionnelles. Le gaz commence à se faire sentir et le bruit du torrent diminue. La longueur suivante est ma préférée. C’est un 7c+ vertical dans un rocher très noir. On dirait presque du basalte ! Les sections sont toutes différentes mais globalement ça tortille des fesses. Cette longueur demande un bel effort de continuité et de concentration car l’intensité est crescendo jusqu’au relai. Pour moi tout se passe bien, je me sens dans mon élément. J’arrive à ne pas me mettre de pression, je pense à un mouvement après l’autre et petit à petit je me rapproche du sommet de cette grande-voie.

L4 – 7b+ © Jan Novak

Les 3 dernières longueurs sont séparées des précédentes par une vire/dalle rocheuse de quelques mètres qui permet de souffler. Ensuite, un joli 7a, puis à nouveau un long 7c+. Pour pimenter la chose, le crux est sous le relais ! La gestuelle est très belle et variée, avec un petit toit au milieu et un mur lisse en haut. Les mains sont verticales et il n’y a pas de pieds en opposition ! Pendant l’enchainement cet équilibre précaire m’a fait trembler et je suis bien contente de ne pas avoir eu à la refaire ! Pour finir, la dernière longueur est une fissure très physique cotée 7b+. Ça verrouille un peu, mais dans tous les cas il faut bourriner ! Heureusement, j’avais gardé un peu d’énergie en prévision… J’enchaine donc toutes les longueurs du premier coup, en tête, à la journée, et en hissant le sac ! Fière de moi 😊

              Pour conclure, cette voie est magnifique, il fait frais, le cadre est original, le rocher presque toujours parfait, les relais confortables (avec une sellette !), l’équipement vraiment béton, et le style pas trop retord… Bref, ça fait toujours plaisir une grande voie comme ça ! On en oublie vite la marche d’approche avec ses traversées de torrent qui gèle les orteils 😉

J’espère que ce récit vous a plu, ou donné envie d’aller y mettre les pieds !

A bientot,

Soso

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